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crâne de nègre.

Les uns voyaient en lui les restes d’un bon religieux des temps passés, à barbe blanche, les pieds nus dans des sandales traînantes ; les autres tenaient pour une victime de l’Inquisition.

Ô les mystères des couvents !

J’essayai de résumer poétiquement ces impressions diverses dans une ballade romantique qui commençait par cette apostrophe :


Crâne d’un ancien mort, ô vénérable crâne.
Réponds-moi


Le crâne ne répondait rien et souriait toujours de son énigmatique sourire.

Cela dura jusqu’aux vacances de Pâques. À la rentrée, l’attendrissement était moindre et l’enthousiasme sensiblement refroidi. L’introduction d’un renardeau vivant par ce diable de Clavajoux porta le dernier coup à la popularité du crâne.

Moi-même, l’avouerai-je ? je commençais à trouver qu’il encombrait mon pupitre. Plus de place pour mes grenouilles ! J’hésitai quelque temps, puis j’en fis cadeau.

À partir de ce jour, le crâne eut une existence déplorablement tourmentée.

On le vit passer de classe en classe, de main en main, vendu, revendu, troqué, échangé pour des sous, des plumes, des billes.