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une drôle de chasse.

les joues, des moustaches en or massif d’un lourd, oh ! mais d’un lourd ! à les envoyer à la Monnaie pour les fondre, un jour de désastre. Il porte des jambières en cuir jaune, bien lacées, dessinant le muscle, et une casquette en cuir bouilli (les chapeaux s’attardent aux branches !). Sa culotte en peau de diable, indéchirable, peut braver la griffe des ronces ; ses souliers, taillés dans la dépouille d’un crocodile, ont des semelles hautes comme un quai, larges comme une promenade ; sa veste en velours fauve, couleur du pelage, pour ne pas effrayer la bête sous bois, est percée de poches innombrables fermées par d’innombrables boutons que décorent, en bas-relief, des représentations de chasses héroïques : sangliers coiffés, cerfs faisant tête. Ajoutez la carnassière avec son filet de ficelle blanche, le sac à plomb, la poire à poudre et le fusil nouveau modèle, fabriqué exprès à New-York, partant tout seul et ne se chargeant ni par la gueule ni par la culasse.

Ainsi équipé, il arrive au café et s’installe : — « Garçon, une, absinthe ! — Voyez terrasse ! » Comprend-on ça ? Il allait faire l’ouverture, il a manqué le train, toujours la même chose !… Pas étonnant d’ailleurs, avec le mauvais vouloir des compagnies ! Il gronde, on s’empresse, l’établissement est plein de sa gloire… Je voudrais être ce chasseur !

Non que j’éprouve le désir cruel d’aller troubler sous les hauts genêts piqués d’or le repos somnolent des lièvres ; de prendre