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la vraie tentation du grand saint antoine.

— De diables blancs, grand saint Antoine ?


— Oui, mes amis, de diables blancs, et blancs du plus beau blanc, je vous assure : déguisés qu’ils étaient en patronets, en marmitons, avec la veste courte et le béret. Ils brandissaient des lardoires et manœuvraient dans l’air, à cheval sur des lèchefrites.

Cependant, au milieu du logis, sur deux tréteaux, ils avaient placé une planche longue et couché Barrabas dessus. Près de la planche : un grand couteau, un seau, un petit balai, une éponge. Barrabas hurlait, et je compris que les diables allaient saigner Barrabas.

Quelle perdition que la gourmandise ! Tant que le sang coula et que Barrabas hurla, je me sentais quelque émotion dans l’âme ; mais une fois Barrabas silencieux : — « Bah ! » me dis-je, « puisqu’il est mort ! » Et c’est avec un sang-froid coupable, et même avec un certain intérêt que je vis, entre les mains des infernaux marmitons, le candide Barrabas, mon cher compagnon de solitude, manipulé cruellement et merveilleusement transformé en un tas de choses succulentes.

Je le vis grillé et râclé ; pendu par les pieds le long d’une échelle ; ouvert en long, vidé, lavé, blanc comme un lys et sentant bon déjà dans la vapeur de l’eau bouillante ; puis tranché, haché, salé, chair à pâté, chair à saucisses, tout cela avec une