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la vraie tentation

— Des truffes, peut-être, grand saint Antoine ?


— Oui, mes petits amis, des truffes, cryptogame dédaigné par moi jusque-là, mais dont le souvenir me revint tout d’un coup, exact et appétissant. Si bien qu’à partir de ce moment-là, chaque fois que Barrabas déterrait une truffe, je la lui faisais lâcher d’un coup de bâton bien sec sur le plat du groin, jetant hypocritement, pour que l’infortuné ne se décourageât point, une châtaigne ou deux à la place.


— Oh ! saint Antoine !

— J’en ramassai ainsi plusieurs livres…

— Et vous vouliez truffer les pieds à Barrabas ?

— Sans être bien décidé encore, je confesse que j’y songeais vaguement.


À côté de ma porte, reprit l’ermite après un silence, une plante apportée par le vent avait germé entre le roc vif et le mur. Ses longues feuilles d’un vert grisâtre sentaient bon, et dans ses petites fleurs violettes les abeilles venaient se rouler au printemps. J’aimais cette plante modeste qui semblait n’avoir voulu fleurir que pour moi ; je l’arrosais, je la soignais, j’avais tout autour apporté un peu de terre. Mais hélas ! un matin, comme je venais d’en casser un brin du bout de l’ongle, j’eus,