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du grand saint antoine.

présenta. Il avait des souliers ferrés, un fort bâton, un habit de velours coupé carré ; il portait sur le dos la balle des porteballes, et criait : « Broches, broches, broches !… Fournissez, fournissez-vous de broches ! » avec un léger accent auvergnat. « Vous faut-il une broche, bon ermite ? — Passez votre chemin, brave homme, je vis d’eau claire et de racines, et n’ai que faire de vos broches. — C’est bon, c’est bon, ne nous fâchons pas, on remballe sa marchandise ! Pourtant, ajouta-t-il avec un diabolique regard en me montrant Barrabas qui, plus perspicace que moi, grognait furieusement dans un coin, pourtant celui-ci m’avait paru luisant et gras en suffisance, et je croyais, Dieu me pardonne ! que vous le destiniez au prochain réveillon. »

Le fait est que ce gueux de Barrabas, depuis que les diables ne tourmentaient plus ses digestions, s’était paré d’une graisse réjouissante.

Je remarquai soudain la chose. Mais de là à manger mon unique ami, il y avait loin. Aussi, quand je vis le porteballe redescendre le sentier, l’air penaud, sa broche à la main, songeant à cette idée qu’il avait eue de me faire réveillonner du corps de Barrabas, je ne pus m’empêcher de rire.

Peu à peu, cependant, comme une mauvaise herbe qui chemine, cette infernale idée, car c’était évidemment un diable sorti des enfers qui, déguisé en colporteur, avait voulu me