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le peintre et la pie.

près d’une fenêtre. De la fenêtre on ne voyait qu’un reflet de feu dans un coin de vitre, un bout de mur en train de s’écailler, et le rebord en briques avec un peu de mousse humide et de neige. Le plumage sanglant de la pie, la ficelle, le clou étaient des merveilles ; et tous ces riens combinés, — la nature morte a de tels miracles ! — disaient irrésistiblement le douloureux poème des grands hivers, quand, un blanc linceul couvrant la campagne, et dérobant jusqu’aux prunelles des haies, les malheureux oiseaux perdus de froid, chassés par la faim, se rapprochent des fermes aux châssis flambants pour trouver la mort sous le piège en quatre-de-chiffres de quelque rustre sans entrailles.

Ce fut un triomphe ; triomphe, hélas ! mélangé de bien d’amertume pour l’infortuné M. Senez.

Au Salon, voyant la foule attroupée autour de son cadre, il pleura ; ses amis crurent qu’il pleurait de joie. Mais quelques jours plus tard, dans le petit jardin, comme je lui montrais un lot de feuilletons célébrant unanimement ses louanges à grand renfort de substantifs colorés et d’épithètes reluisantes, il me mena près du petit tertre herbeux où reposait Margot et me dit :

« C’est bien beau, Monsieur, c’est trop beau. Mais pourquoi faut-il que toujours la gloire soit faite de larmes ? »

Ajoutons que, au point de vue de l’histoire de l’Art, la cruelle résolution de M. Senez et le sacrifice de l’infortunée Margot ne furent pas sans avoir leur importance. C’est depuis