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le peintre et la pie

Mais il devait savourer son crime jusqu’au bout.

« Margot ! Margot ! — continuait-il à crier quoiqu’il la crût morte et tout en regardant si son cadavre ne faisait pas tache sur la neige, — Margot ! Margot ! pauvre Margot !!! »

Un bruit d’ailes le fit tressaillir. Pelotonnée à la fourche d’un pommier, une forme noire se souleva dans un nuage de flocons secoués, et Margot vint, confiante et gaie, s’abattre sur l’épaule de M. Senez…

Dès le lendemain, M. Senez se remettait à peindre. Plus de promenades, plus de brasserie. Un perpétuel filet de fumée s’allongeait par le tuyau de poêle au-dessus de l’atelier fermé à double tour ; et, quinze jours durant, les amis qui intrigués, essayaient de s’introduire dans la place, se retiraient discrètement, avec des sourires entendus, en lisant, écrit à la craie, sur la porte, le sacramentel :

« Il y a modèle. »

Alors le bruit courut dans Paris que, en effet, comme on l’avait dit, le talent de M. Senez venait de traverser une crise. De là ces longs mois de découragement, de paresse. Mais à présent tout était sauvé, M. Senez cherchant du nouveau, préparait pour le Salon une grande figure.

Enfin, le Salon ouvrit ses portes et la vérité éclata. La pie était là, telle que M. Senez l’avait rêvée, pendue par un pied