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le peintre et la pie.

Rue Notre-Dame-des-Champs, vers le milieu, il reste une de ces maisonnettes. Est-ce au numéro 43 ou 45 ?… Mais, pour peu que votre cœur soit parisien, vous l’aurez sûrement remarquée. Arrêtez-vous devant, un matin, tirez le loquet, poussez la porte, poussez sans crainte, il n’y a ni concierge ni chien : un couloir de plain-pied, un perron moussu, puis, en contre-bas, un vieux verger, vrai verger de Brie ou d’Île-de-France, le vieux mur, le vieux puits, et des poiriers non taillés, revêtus de ces lichens d’argent qui sont la barbe blanche des vieux arbres.

Les merles y font colonie, venus en bande après qu’une hache sacrilège eut dévasté les ombrages du Luxembourg ; et tous les ans, sur les toits voisins, autour des hautes cheminées, les plus vieux moineaux apprennent aux jeunes le chemin de l’endroit et ses délices.

Depuis cent ans et plus, jamais personne n’arracha une pelote de mousse ni un brin de mouron aux allées. Au contraire, chaque locataire nouveau a considéré comme un devoir de planter d’abord quelque chose : sureau, lilas ou syringa, sans compter les graines d’aventure qui, voyageant par l’air sur l’aile du vent ou dans le gésier d’un oiseau, arrivent un jour on ne sait d’où, fleurir les coins abandonnés des villes. Les derniers venus, faute de mieux, ont même dû se contenter de cultiver le mur, changeant ses trous en pots, ses moindres rugosités en plates-bandes, apportant aujourd’hui une grosse plante grasse achetée sur