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JEAN-DES-FIGUES.


fleur qui devait guérir ma folie, quand, tout à coup, un volet s’ouvre avec fracas au-dessus de nous ; Reine s’enfuit, et moi, planté seul sur le balcon, devant la porte refermée, j’aperçois en levant la tête mademoiselle Roset qui riait dans le clair de lune.

Pauvre Roset ! elle n’aurait certes pas ri d’aussi bon cœur, si elle avait pu deviner quel tort elle se faisait en m’empêchant d’embrasser sa rivale.

Plus tard, après deux ans, lorsque enfin je l’embrassai, j’éprouvai une sensation singulière : avec Roset, il m’avait semblé mordre dans le velours parfumé d’une pêche ; embrasser Reine me rappela nos jeux d’enfants, quand nous nous amusions, avant le soleil levé, à tremper nos lèvres dans le froid aiguail qui se ramasse au creux des feuilles.

Que n’ai-je pu, hélas ! prendre un baiser à Reine ce soir-là !

Sentant entre les deux régals une aussi notable différence, je voyais clair à temps dans mon cœur, je plantais là Reine, les grandes amours et le cousin Mitre, je courais à Roset, nous étions heureux naïvement, et nous mourions sans avoir d’histoire.

Mais la Providence ne le voulut pas, la Providence qui me destinait à de plus tragiques aventures ! L’occasion du baiser ne se retrouva plus, et, toujours aussi Jean-des-Figues que devant, je continuai à croire que j’aimais Reine, et que, Roset, je ne pouvais réellement la souffrir.