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LA GUEUSE PARFUMÉE.


avait, sans doute, la peau plus blanche, mais les oranges valent les lis ! — Dans les yeux de Reine, quelle divine candeur ! me disais-je, en essayant de me débattre contre le charme qui m’envahissait ; mais que de voluptés inconnues au fond de ces yeux de Roset, qui n’avaient pas l’immobilité ordinaire des grands yeux et dont on voyait la prunelle frémir entre les cils noirs immobiles avec le scintillement électrique des étoiles une nuit d’été.

Quant à la voix, si Reine l’avait claire et charmante, Roset l’avait chaude et voilée, voilée comme le sont nos montagnes, lorsque midi poudroie autour en poussière d’or.

Mademoiselle Roset était un vrai diable ; j’avais beau vouloir l’éviter, ses regards me poursuivaient toujours. Elle se croyait quelques droits sur moi depuis notre rencontre dans les amandiers. Ne s’avisa-t-elle pas un jour, ces bohémiennes sont capables de tout ! au beau milieu du salon, devant le quatuor assemblé, de me pincer en me murmurant je ne sais quelles sottises à l’oreille. — De vous pincer, juste ciel ! et où cela, monsieur Jean-des-Figues ? — Au beau milieu du salon, madame, ainsi que j’avais l’honneur de vous le dire. J’en devins rouge comme le feu, d’autant plus que mademoiselle Reine avait tout vu. Mais, chose horrible à confesser, malgré ma rougeur, malgré ma honte et malgré le triste regard que me jeta mademoiselle Reine, cela me parut dé-