Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LA GUEUSE PARFUMÉE.


à dos de cuir renfermés dans l’armoire pour trois jours, et toute trace de cette petite débauche disparue, alors seulement on ouvrait les persiennes et la porte, et l’on prenait le plaisir, en causant musique, de respirer la brise du soir qui soufflait à travers les mûriers.

Un thème inépuisable entre tous, c’étaient les bizarreries des grands artistes. Un tel, chose singulière, ne pouvait composer qu’avec deux chats sur les genoux ; tel autre faisait porter un clavecin dans les prairies, il fallait, pour éveiller son imagination mélodique, la fraîcheur matinale, la rosée scintillant au premier soleil, et les flocons de blanche vapeur qui dansent à la pointe des herbes. — Mon cher Chateauripert, terminait invariablement, M. Cabridens, vous n’oublierez pas au moment de partir ce que vous avez mis en dépôt à la cuisine. Et pendant que le bon vicomte allait reprendre quelque bécasse un peu trop mûre dont il s’était séparé par discrétion, sacrifice énorme ! — « Ce M. de Chateauripert est vraiment un artiste en toutes choses », reprenait maître Cabridens, et cette innocente allusion aux manies gastronomiques du violoniste faisait rire deux fois par semaine depuis dix ans.

Quelquefois, on priait mademoiselle Reine de se mettre au piano, un peu par politesse, j’imagine ; non pas que mademoiselle Reine jouât mal, mais dame ! après deux heures de grande musique !… Mu-