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LA GUEUSE PARFUMÉE.

Nos amours à la mode du cousin Mitre m’avaient juché si haut, que je me fis un point d’honneur de ne plus vouloir redescendre. J’avais embrassé Roset, la grande affaire ! J’étais inquiet depuis, presque malade ; mais quel rapport, je vous le demande, entre cette fièvre folle et le véritable amour ! Réconforté par ces belles réflexions, je résolus donc d’oublier Roset, et fis d’héroïques efforts pour me persuader que j’aimais toujours mademoiselle Reine. Pour mon malheur, Roset ne m’oubliait pas, elle, et savait, l’occasion se présentant, rappeler au pur, sentimental et chevaleresque Jean-des-Figues, qu’il était homme malgré tout, et qu’il avait eu son moment d’humaine faiblesse.

M. le vicomte Ripert de Chateauripert, malgré ses manies, était un musicien distingué. Elève favori d’Ilabeneck, il jouait du violon avec beaucoup de sentiment et d’âme, et les larmes vous en venaient aux yeux d’entendre ce vieux fou faire chanter et sangloter l’instrument sous ses doigts ; mais si on essayait de le féliciter : — N’est-ce pas que c’est touchant cela ? répondait-il d’un air narquois… en art, positivement, rien ne vaut la sincérité… Il faut être ému pour émouvoir… Faites comme moi, Tullius, fermez les yeux quand vous jouerez… et pensez aux bécasses !

Deux fois par semaine, tant que durait la belle saison, ce diable d’homme arrivait à Maygremine,