Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
JEAN-DES-FIGUES.


et que madame Cabridens venait d’élever à la dignité de femme de chambre.

— Prends garde, Roset, la grande chaleur va te brunir les joues.

— monsieur Jean-des-Figues, vous voulez rire !

Le fait est que cette brave Roset, plus noire qu’un raisin et brûlée dans le moule, comme on dit, tout le monde la trouvait laide. Mais, à ce moment-là, je fus presque d’un autre avis. Appuyée d’une épaule contre mon arbre, haletant un peu à cause de la chaleur, le haut de son corsage s’entr’ouvrait légèrement à chaque fois qu’elle respirait, et, tout ébloui de ces choses nouvelles, je restai longtemps, sans rien dire, à boire du regard la fraîcheur de ses dents éclatantes qui riaient, et la flamme de ses grands yeux profonds qui gardaient toujours, même lorsque ses lèvres riaient le plus, un peu de tristesse sauvage. Voilà longtemps que je connaissais Roset ; mais, à coup sûr, je ne l’avais jamais vue.

Que se passa-t-il en moi ? Je ne m’en rendis pas bien compte, car jamais, auprès de Reine, je n’avais éprouvé rien de pareil. Dieu me pardonne si je fus coupable ! Mais de me sentir si près de Roset, frôlé de ses cheveux et de sa robe ; de la voir si belle, de respirer, en même temps que l’air chargé du parfum amer des fleurs d’amandier, les arômes vivants de sa peau ; tout cela me grisa, peut-être, car, la prenant par surprise entre mes bras, je cueillis sur ses joues,