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LA GUEUSE PARFUMÉE.


joyeuse des jeunes blés, toute la campagne était blanche. L’air sentait bon, les arbres ployaient sous des flocons de neige embaumée, les pétales effeuillés tourbillonnaient partout dans les parfums et la lumière, comme des vols de papillons blancs, et pour cadre à cette joie, à ces blancheurs, les grandes Alpes, déjà revêtues des chaudes vapeurs de la belle saison, mais encore couronnées de neige, se dressaient dans le lointain, blanches et bleues comme les vagues de la Méditerranée quand elles secouent leur écume au soleil un lendemain de tempête !

Il faut croire que les jeunes rayons de mars produisent l’effet du vin nouveau, et qu’ils m’avaient, ce jour-là, porté à la tête ; car, bêtement, à ce spectacle, je me sentis des larmes plein les yeux, et comme Scaramouche, assis sur sa queue, en face de moi, me regardait malicieusement à travers ses lunettes, je lui demandai pourquoi, étant amoureux de mademoiselle Reine, j’avais le cœur si vide et me trouvais tout d’un coup si malheureux. Scaramouche ne me répondit rien.

J’étais en train de lui confier ma douleur quand, au détour de la route :

— Bien le bonjour, monsieur Jean-des-Figues !

— Bien le bonjour, Roset ! fis-je en sortant de ma rêverie.

C’était Roset, une petite bohémienne recueillie par les fermiers de Maygremine pour garder la chèvre