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LA GUEUSE PARFUMÉE.


servoirs carrés, vieux de cent ans, tout encombrés de tuf, où l’eau s’amassait froide et profonde, en attendant qu’on la laissât se précipiter librement sur les prés coupés de peupliers qui s’étendaient au-dessous. Partout des ruines d’anciens travaux hydrauliques, serves, conduits crevés et aqueducs ; partout de la mousse, des concrétions bizarres, partout de l’eau courant sur les cailloux avec un joli chant de nymphe joyeuse, ou se traînant invisible dans l’herbe avec l’imperceptible bruit de soie que ferait la robe verte d’une fée.

Cette abondance de sources et cette continuelle fraîcheur attiraient là quantité d’oiseaux, qui, le matin, avant le soleil levé, à l’heure où les oiseaux boivent, remplissaient tout l’endroit de chansons et de bruits d’ailes. Et même au moment du jour où nous le traversions, la tranquillité n’y régnait guère : c’était un buisson frémissant tout à coup au vol précipité du merle, le cri de la mésange bleue, le vol inquiet de deux tourterelles attardées, ou quelque oiseau de nuit sorti de son trou au crépuscule, et qui coupait le sentier d’un arbre à l’autre, sur ses ailes de velours.

Nous allions ainsi causant de mille choses, mais pour mon compte silencieux le plus que je pouvais, tant il y avait de plaisir à écouter les caresses du vent dans le voile et le manteau de mademoiselle Reine ! nous allions ainsi jusqu’à un kilomètre de la campagne.