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JEAN-DES-FIGUES.


bleus, enfoncés par un coin dans la terre et que l’on aurait craint de voir repartir et rouler, si l’œil n’eût été rassuré par les mille nœuds de plantes grimpantes qui les enchaînaient, lierre, vignemale et lambrusques, ou par quelque vigoureux chêneau, tordu comme un olivier, et qui, poussant au ras des roches, avait l’air de s’être incrusté dedans. Le sol, au-dessous de la terre végétale, n’était qu’un amas de cailloux roulés et collés ensemble par un ciment naturel. Les paysans appellent ce genre de roche marras ou nougat, maître Cabridens disait pudding, il faut croire que c’est là le nom scientifique. Aux endroits où le pudding apparaissait, on eût dit des restes de vieille maçonnerie.

Toute cette côte était pleine de sources, ce qui explique une fraîcheur de végétation fort extraordinaire dans nos pays brûlés. Les propriétaires des riches campagnes du bas avaient, de temps immémorial, fait chercher de l’eau en cet endroit, et par ces fouilles successives, le pudding se trouvait être partout suintant et troué comme une éponge. Partout de longs couloirs, des galeries souterraines aux enlisées noires presque obstruées par les longues mousses et le feuillage découpé des capillaires, s’en allaient, au plus creux du rocher, recueillir les moindres gouttes, les moindres filets d’eau, qui sortaient de là réunis en sources claires pour retomber, dix pas plus loin, avec un bruit mélancolique, dans de grands ré-