Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LA GUEUSE PARFUMÉE.


grande route, le même nom qu’aux ruines du galant château niché au revers de la colline entre les roses et les oliviers.

Maygremine n’est guère qu’à cinq kilomètres de la ville, une promenade pour des jambes de montagnard ! et, peu à peu, j’avais pris l’habitude d’y passer une heure ou deux tous les jours, en compagnie. J’arrivais dans l’après-midi, nous causions modes et grand monde avec madame, musique ou poésie avec mademoiselle Reine, maître Cabridens me lisait ses travaux, et quelquefois, — on se rappelait, sacrebleu ! quoique notaire, d’avoir fait son droit dans la ville du roi René ! — quelquefois, il me menait au fond du jardin, près de la fontaine, et me montrant deux verres d’absinthe en train de se préparer tout seuls, depuis une heure, sous deux fils de mousse d’où tombait lentement et à intervalles réguliers une perle d’eau glacée : « Y a-t-il rien de comparable à la simple nature ? » s’écriait le gros homme avec un fin sourire de roué. Puis, le soir venu, je reprenais le chemin de Canteperdrix.

D’ordinaire la famille Cabridens m’accompagnait un bout de chemin. Les promenades délicieuses en cette saison ! Laissant la grande route pleine d’importuns et de poussière, nous prenions par un petit sentier parallèle qui s’en allait à mi-côte, entre les champs et les bois. La mousse y faisait un tapis que trouaient ça et là d’énormes rochers gris, presque