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LA GUEUSE PARFUMÉE


reflet d’aristocratie, et maître Cabridens disait nous autres, sans faire rire, quand il causait politique avec le vicomte Ripert de Chateauripert son voisin, un homme charmant qui avait le seul défaut, défaut gênant, il est vrai, pour les odorats sensibles, d’aimer trop les bécasses et d’en porter toujours quelqu’une, afin de hâter sa maturité, dans la poche de sa redingote. Tout le monde, d’ailleurs, pardonnait cette manie au bon vicomte, en considération de son dévouement à la branche aînée.

Pourtant, ce qui m’intimidait le plus, ce n’était ni l’inquiétante solitude de la place, ni l’éteignoir de pierre, ni les panonceaux accolés ; ce qui m’intimidait par-dessus tout, c’était la façon qu’avait maître Cabridens de fermer sa porte : de quel air majestueux il en tirait à lui la poignée, tournait deux fois la clef et la fourrait dans sa poche en promenant sur tout le Cimetière Vieux un regard circulaire où l’orgueil se mêlait à une bienveillante compassion.

Ce n’est pas un pauvre diable de paysan comme mon père, ou quelque artisan de la grand’rue, qui aurait fermé sa porte avec cette noblesse-là ! Fermer notre porte en plein jour, et pourquoi faire ? je vous le demande ! Qu’aurions-nous eu à défendre ou à cacher ?

Maître Gabridens, au contraire, semblait dire en fermant sa porte :

— J’ai là-dedans mon paradis bourgeois où, si je