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JEAN-DES-FIGUES.


pour excuse l’exemple de ce bon Tristan-Shandy, qui, résolu, selon qu’Horace le recommande, à prendre toutes choses ab ovo, commence l’histoire de sa vie en soulevant légèrement les longs rideaux drapés de l’alcôve paternelle?)… je venais de me rappeler, disais-je, qu’entre autres récits qu’ils aimaient à me faire, M. et madame Cabridens s’arrêtaient l’un et l’autre avec une remarquable complaisance sur certaine représentation théâtrale qui, vers les premiers temps de leur mariage, avait mis tout Canteperdrix en émoi.

Que de fois M. Cabridens ne m’avait-il pas raconté cet événement dans ses moindres détails ; d’où venaient les comédiens, pour quelles raisons ils s’étaient arrêtés, et comment, grâce à l’obligeance du capitaine commandant la place, qui mit quinze de ses soldats à la disposition du directeur, on put, du matin au soir, transformer en salle de spectacle une petite église abandonnée qui servait de grange. Et quels acteurs, et quelle pièce, on ne voyait pas mieux à Paris ! — « C’était, si je ne me trompe, vers 1846, » disait M. Cabridens. — A la fin d’avril, reprenait madame, un peu moins de dix mois avant la naissance de Reine ; je me souviens bien de la date. »

Après seize ans, leur admiration restait chaude comme au premier jour, et c’est avec la naïveté d’une passion qui s’ignore, que M. Cabridens parlait de