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LA GUEUSE PARFUMÉE.

vent en patois et ne sont membres de rien ! »

Serez-vous étonné, maintenant, qu’après vingt ans de mariage madame Cabridens fût encore amoureuse de son mari , et qu’elle portât pour lui plaire des châles aveuglants rouges comme ses joues ? Maigre autrefois, madame Cabridens avait pris de l’embonpoint par le voisinage ; elle était plutôt laide que jolie, mais on la trouvait distinguée à Canteperdrix, parce que ayant été élevée avec des filles de comtes et ducs dans un couvent aristocratique où sa tante était supérieure, et n’étant plus depuis sortie de Canteperdrix, elle gardait encore, à quarante ans, les petites mines et les façons précieuses des pensionnaires, qu’elle s’imaginait être les vraies manières des grandes dames.

Madame Cabridens…

Arrivé à cet endroit de mes mémoires, une réflexion m’est venue : — Quoi ! Jean-des-Figues, me suis-je dit, tu prétends rapporter des aventures véridiques, aussi dignes de foi que paroles d’évangile, et voici que dès le sixième chapitre tu racontes tout simplement, sans préparation aucune et comme la chose la plus naturelle du monde, que mademoiselle Reine possédait toutes les grâces, et qu’elle était pourtant fille de monsieur et madame Cabridens ! Autant soutenir que deux dindons en ménage ont pondu et couvé un bel oiseau du paradis, autant avouer tout de suite que ta Reine rentre dans la catégorie de ces héroïnes sans réalité, fabriquées d’un