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JEAN-DES-FIGUES.


de science ? Membre de plusieurs sociétés savantes et correspondant d’une foule d’instituts, maître Cabridens, en vertu d’aptitudes inexpliquées, présidait indifféremment un tournoi poétique ou bien un comice agricole, et réunissait dans le même amour l’étude des antiquités romaines et l’élevage des poules cochinchinoises, la question des terrains tertiaires et celle de l’origine du sonnet, la pisciculture et la jurisprudence, les belles-lettres et la pomologie. Toute science lui était bonne, pourvu qu’elle fût prétexte à société savante et à réunion de gala. Aussi passait-il pour un grand homme dans Canteperdrix ! — « Tullius est universel, » disaient ses intimes amis avec une familiarité respectueuse. Ajoutez que Tullius était fou de champignons. Une fois, à la table du préfet, il mit l’eau à la bouche de tout le conseil général en discourant une heure durant sur les morilles, les bolets, les nez de chat et les oronges. Avant que Reine fût au monde, bien souvent, martyr volontaire, il avait affronté l’empoisonnement et la mort pour expérimenter quelque variété douteuse. Les imprudences de maître Cabridens étaient célèbres. Mais, depuis la venue de Reine, il avait renoncé à ces dangereux plaisirs ; un père se doit à ses enfants ! S’il adorait les champignons, en revanche, il ne pouvait souffrir les poëtes provençaux : — « Des gens, disait-il avec le tranquille dédain commun aux grands hommes et aux gros hommes, des gens qui écri-