Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/41

Cette page n’a pas encore été corrigée
31
JEAN-DES-FIGUES.

de la terrasse, je distinguai une forme blanche. N’était-ce pas elle, la marquise, avec sa robe au fin corsage et ses cheveux longs dénoués ? Il me sembla la reconnaître et, en cherchant bien dans mes souvenirs, je découvris que son profil, ses cheveux en vapeur d’or, son galant costume et sa taille rappelaient à s’y méprendre la belle dame du paravent. Elle rêvait en regardant ses roses.

Voilà que tout à coup ce brigand de Scaramouche tombe à l’arrêt d’un grillon ; le grillon se met à chanter, Scaramouche aboie, et l’apparition effrayée fuit bien vite en essuyant une larme. Par bonheur la nuit arrivait, et le pan de mur sous lequel je me trouvais faisait déjà ombre au clair de lune. La marquise m’aurait infailliblement aperçu sans cela. Elle passa si près, si près de moi, que le frisson parfumé de sa robe fit flotter mes cheveux et caressa mes lèvres. Mais, chose singulière, tout écolier que j’étais, je n’en eus pas trop de peur.

Elle s’en allait, je n’osai pas la suivre ; j’osais à peine marcher sur la lavande que ses pieds avaient effleurée, et quand je redescendis vers la grande route par le chemin seigneurial, plus sombre maintenant malgré un peu de ciel clair qu’on voyait luire entre les arbres, je me sentais au cœur je ne sais quel mélange de tristesse et de contentement.

Arrivé en bas, il était nuit tout à fait. L’une après l’autre, en même temps que les étoiles s’ouvraient