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JEAN-DES-FIGUES.


lant fantastique. Une douce et large pente s’enroulant autour du mamelon boisé sur lequel le château fut bâti, avait autrefois permis aux carrosses d’arriver en trottant jusqu’à la plate-forme. Le chemin abandonné montait toujours à travers les arbres, seulement son gravier s’était gazonné comme une pelouse, et de nombreux lapins, friands d’herbe menue, y trottaient seuls en place des carrosses armoriés.

Du côté du nord cependant la colline vous avait un air assez farouche pour faire impression sur un cerveau d’écolier. Des murs brûlés, une porte de chapelle, partout de grands rochers debout dans la mousse et les buis, et çà et là quelques chênes d’une tournure féodale. Mais quelle surprise quand, la route tournant une dernière fois et sortant brusquement de sous les arbres, on se trouvait sur la terrasse, devant le grand portail d’honneur, neuf encore et déjà ruiné, avec le petit amour manchot qui, de son unique main, soutenait une moitié d’écusson.

On apercevait de cet endroit la Provence à perte de vue, et tout le long de la colline jusqu’au village tapi en bas, ce n’étaient plus, comme sur le versant nord, des chênes blancs, des rochers ou des buis, mais des champs de blé, de beaux oliviers debout au soleil sur leurs buttes, des genêts d’Espagne dans les coins abrités, et juste au-dessous de la terrasse, au milieu des parterres bouleversés et des haies rede-