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LE CANOT DES SIX CAPITAINES.


plus capitaine ; vous pouvez m’appeler colonel à présent !

Fabien feignait une tristesse hypocrite. Que Saint-Aygous, comme le bruit s’en répandait dans Antibes, eût été enlevé la nuit, par de certains Barbaresques, sur une lelouque, la chose ne pouvait lui déplaire. Et pour ce qui était de Cyprienne, de son inexplicable disparition, il s’en remettait volontiers à la Providence. Cyprienne ne pouvait être loin, puisque, le matin même, Varangod l’avait vue. Plus tard, on retrouverait Cyprienne ; l’important était, pour le quart d’heure, que la Castagnore ne partit pas.

— La Castagnore partira, elle partira quand même ! s’écria soudain Lancelevée. Saint-Aygous prisonnier, ma fille disparue, il y a là un cas de force majeure que les règlements n’ont pu prévoir.

— A bas les règlements ! répondirent en chœur Escragnol, Varangod, Arluc et Barbe ; mais Fabien, lui, ne parla pas, Fabien se vit perdu, Fabien devina ce qu’allait proposer Lancelevée.

— Le rhumatisme m’a roidi, je ne compte plus. Mais vous voilà cinq. Varangod, qui a l’œil bon, prendra la barre. On supprimera deux avirons. Huit bras comme les vôtres en valent douze, vos huit bras et les deux yeux de Varangod doivent aujourd’hui sauver l’honneur de la Castagnore.

— Vive la Castagnore ! crièrent les cinq capitaines