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LA GUEUSE PARFUMÉE.

Les pavillons luisaient, les voiles frissonnaient par toute la baie ; et le tambour de la ville battait, battait l’appel des courses dans le bateau de la Prud’homie. Les voiliers couraient de-çà, de-là, essayant des bordées. Les rameurs s’exerçaient aussi, biceps tendus, et nus jusqu’aux hanches, dans leurs barques sans gouvernail. Car le gouvernail n’est pas admis, et l’on doit se diriger à la rame. A l’arrière du bateau, et regardant les rameurs en face, demi-nu comme les autres, un homme est assis. Des bras et du corps il bat la mesure pour que les rames tombent d’accord, il interpelle les rameurs, les encourage, les inspire : — Zou ! Jouzé…Zou ! Marius… Hardi, les enfants !… et si l’haleine manque, si les poignets mollissent, si le courage vient à faillir, l’homme, sans quitter les rameurs des yeux, sans cesser de marquer la mesure avec la tête et le buste, inonde d’eau de mer, à pleine épuisette, leurs têtes frisées et leurs dos.

Tandis qu’au dehors tout était en joie, tout, à l’intérieur du Bigorneau, était tristesse et désespoir : Saint-Aygous disparu, Cyprienne partie ! Comment s’embarquer, comment mettre à l’eau la Castagnore ? Escragnol, Arluc, Barbe et Varangod, désespérés eux-mêmes, essayaient en vain de trouver quelques consolations pour l’infortuné Lancelevée également accablé et comme père et comme marin.

— Capitaine, voyons, capitaine !…

— Ah ! mes amis, mes chers amis, ne m’appelez