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JEAN-DES-FIGUES.

le verdissait donc aussitôt fanée, comme les fleurs, ces riens éternels qui ne font que naître et mourir ?

Les romans, les journaux me parlaient de Paris, de la gloire. C’est peut-être là, me disais-je, le paradis entrevu dont je rêvais toujours ! Alors, dans la naïveté de mon imagination, je me figurais une vie supérieure, inaccessible, vie de génies et de demi-dieux, et, pareil au petit Bédouin venu à la ville par hasard, qui rôde émerveillé autour du palais des kalifes, je devinais derrière ces murs tant de jardins embaumés et de salles merveilleuses, que je n’osais pas même concevoir l’idée, le désir d’y pénétrer jamais.

Je relisais, pour me consoler, les sonnets du pauvre Mitre, tous incomplets, hélas ! comme sa vie ; et ces lettres d’amour, signées d’un nom de femme, ces lettres que je ne comprenais qu’à demi, mais dont les lignes pâlies, l’encre déjà presque effacée me brûlaient les veux, tant elles semblaient étinceler, quand une idée humiliante me vint : j’avais quinze ans et je n’étais pas amoureux ! Un immense besoin d’aimer, d’aimer n’importe qui, s’empara de moi tout à coup, et, honteux d’avoir attendu si tard, je demandai tout bas pardon au pauvre Mitre.

Pauvre Mitre ! pauvre cousin Mitre ! vous étiez mort à seize ans, trop tôt pour accomplir vos rêves ; mais dormez en paix au cimetière, cousin Mitre qui me ressembliez ! Jean-des-Figues n’aura pas été un