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LA GUEUSE PARFUMÉE.

De l’autre côté, Saint-Aygous, image renfrognée mais vivante du devoir, les faisant rougir tous quatre de leur conduite, parlant de la Castagnore, de l’honneur engagé, des courses prochaines, opposant les rafraîchissants aux petits verres, les tisanes aux sodas, et les cataplasmes au Champagne !

Tandis que Cyprienne aidait Fabien à pervertir les capitaines, Lancelevée, trottant sur deux cannes, et tout flamme, malgré son rhumatisme, secondait Saint-Aygous dans l’œuvre de régénération.

A la fin, comme dans les dénoûments de M. Dumas fils, le Bien écrasa le Mal, la vertu triompha du vice, l’ange Saint-Aygous broya sous son talon la tête du tentateur Fabien ; et la veille des courses, comme un seul homme, les quatre capitaines déclarèrent que, malgré marée et vent, malgré goutte et malgré entorse, malgré vieilles blessures rouvertes et malgré récentes blessures mal fermées, le jour suivant les verrait tous rames en main et faisant honneur à la Castagnore.

Cette nuit, Saint-Aygous ne se coucha pas.

Quelques coups de pinceau restaient à donner à l’embarcation, il fallait, pour qu’elle apparût reluisante le lendemain laver et bouchonner sa coque ; il fallait souligner de carmin sa ligne de flottaison un peu pâlie, et aviver d’or et d’azur les écailles des deux Castagnores, petits poissons frétillants chers aux eaux d’Antibes, qui, peints sur chaque côté de l’avant,