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LA GUEUSE PARFUMEE.


heures, on apprit qu’il y avait vent de langouste, et que le capitaine Escragnol en mangerait.

— Il n’en mangera pas !

— Il en mangera !

— Et la goutte ?

— Et la gourmandise ?

Quoique parfaitement sûr du châtiment qui l’attendait, le capitaine n’hésita pas. La langouste était trop belle. Dès quatre heures du soir, il s’installa sur la grande place, à la table la plus en vue du café de l’Univers, et là, comme pour braver l’opinion et se surexciter dans le crime, il se mit à boire une liqueur de sa composition, liqueur des grands jours, baptisée par lui Crocodile, et qui consistait en un verre d’absinthe, battue avec du kirsch pur au lieu d’eau.

— Soyons vivaces ! criait le capitaine à Saint-Aygous qui essayait vainement de le contenir.

Et le fait est que jamais goutteux ne se montra plus cyniquement vivace.

La langouste fut mangée au Bacchus navigateur, café-restaurant. La belle Touzelle servait, ce qui fut une agréable surprise pour le capitaine Varangod. Car la voix publique l’accusait, cette belle Touzelle, joyeuse personne de quarante ans, éclatante et rousse comme un riche automne, de n’avoir pas toujours été cruelle au galant capitaine Varangod. Fabien avait provoqué la rencontre. Métier coupable, sans doute, si l’amour ne sanctifiait tout !