rait pas versé le sang d’un moineau, était féroce à ce moment. Il se croyait pirate ; il rêvait abordages et massacres ; il se voyait habillé en Turc, la hache à la main, avec le fidèle Fabien. Autour d’eux, la mer était rouge !
Un léger bruit interrompit ce doux rêve.
— Mille sabords ! s’écria le capitaine, est-ce qu’on ne pourrait pas aller s’embrasser plus loin ?
Et se redressant sur son séant, il reconnut Cyprienne et Fabien !
Un foulard indien enveloppait les cheveux gris du capitaine, et le foulard lui-même empruntait quelque chose de majestueux à la grandeur du paysage et à la gravité des circonstances.
D’abord, Lancelevée voulut maudire, en père classique. Mais à moitié endormi encore et très-ennuyé de ce drame familial qui venait ainsi se jeter au travers de ses rêves nautiques, le brave homme ne trouva que la force d’ajouter :
— Malheureux ! vous, un ami ! vous, un pirate ! avoir déshonoré ma fille !
Fabien protestait, Cyprienne lui mit sa main mignonne sur la bouche ; et le fait est qu’elle avait ainsi, toute troublée au clair de lune, l’air le plus gracieusement déshonorée du monde.
— Après tout, c’était votre droit ! vous êtes pirate, je ne peux pas vous en vouloir, reprit en soupirant l’infortuné père. A votre place,je l’eusse peut-être enlevée.