Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
LA GUEUSE PARFUMÉE.


selle Brin-de-Bouleau qui se permettait de tutoyer M. Fabien. Puis, réfléchissant, elle se demanda comment pouvait bien être faite pareille demoiselle. Fine et brune, elle se l’imagina grassouillette et blonde (telle, ou peu s’en faut, qu’elle était), très-jolie, sans doute, vu le bon goût de Fabien, et bientôt elle fut fière, mon Dieu oui ! de se savoir préférée à une aussi agréable personne.

Était-elle vraiment préférée ? Il s’agissait de le savoir, et cela tout de suite, sans attendre au lendemain. Il s’agissait tout de suite d’accabler Fabien de reproches et de l’interroger à l’endroit de cette Brin-de-Bouleau qui avait un si drôle de nom et une si drôle d’orthographe. Raisons sans doute insuffisantes pour qu’une petite bourgeoise bien timide fit à son amoureux la surprise d’une rencontre de nuit. Mais le cœur de Cyprienne était si pur ! et ces nuits de Provence sont si claires, qu’un rendez-vous de nuit à Antibes devient innocent comme un rendez-vous de jour.

— Monsieur !… monsieur Fabien, j’aurais quelque chose à vous dire…

Fabien tressaillit, il n’osait pas croire à son bonheur. Pourtant il prit Cyprienne par la main, et tous deux, sans parler, allèrent s’asseoir sur le plat-bord du canot au fond duquel Lancelevée, après avoir contemplé les étoiles, commençait à sommeiller.

Lancelevée qui, dans la vie de tous les jours, n’au-