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LE CANOT DES SIX CAPITAINES.

— Vivent les pirates !

Les capitaines trinquaient, debout. L’enivrement était au comble ; jamais pareil vent d’enthousiasme n’avait soufflé sur le Bigorneau.

A minuit, on se sépara.

— Fichus matelots tout de même, murmura Lancelevée en voyant s’éloigner les capitaines, il serait bon de leur donner un grand exemple !

Alors Lancelevée coiffa un foulard, se roula dans une couverture, puis s’exaltant à la vue du ciel, de la mer, il marcha vers la Castagnore, et s’écria d’une voix héroïque :

— Cette nuit, je veux coucher à mon bord !

Il y coucha.

Cependant, à la même heure, Fabien amoureux et confiant rentrait de la ville ; mademoiselle Cyprienne quittait la maisonnette couleur d’ocre et se dirigeait vers le Bigorneau de l’îlette, sous le prétexte d’aller chercher son père, mais avec le vague espoir de rencontrer Fabien ; et Saint-Aygous, ses collègues lâchés, revenait sur ses pas pour espionner Fabien et Cyprienne.

Décidément, rien ne réussissait à ce malheureux Saint-Aygous. Car si, d’un côté, Lancelevée n’était pas fâché d’avoir un forban pour hôte, de l’autre, mademoiselle sa fille se pardonnait presque d’être aimée d’un mauvais sujet. Les filles sont ainsi ! D’abord sa colère avait été grande contre mademoi-