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LA GUEUSE PARFUMÉE.


mer, qui ravage les côtes, qui cache sa voile barbaresque derrière les rochers des calanques, comme aux beaux jours passés hélas ! où des Sarrasins, des Kabyles, tenaient garnison à Monaco ! Mais que dis-je, un pirate ? trois pirates, capitaines ! Nous connaissons trois pirates ! Le Bigorneau, entre-pont modeste, a reçu trois pirates dans ses murs, trois pirates probablement souillés de crimes ! Maintenant, il en abrite un encore qui vient chaque nuit, sur ce hamac, bercer ses rêves ensanglantés… Et nous ne rougirions pas ?

Saint-Aygous croyait avoir réussi et rayonnait ; mais la suite du discours le détrompa :

— … Nous ne rougirions pas ? Ah ! rougissons, capitaines !… Nous ne rougirions pas de voir, depuis deux ans, la Castagnore moisir sur sa quille ? Nous ne rougirions pas de rester ici, immobiles et regardant la mer de loin, comme un tas de crabes à qui des gamins ont cassé les pattes, tandis que les courses se préparent et que la piraterie a l’œil sur nous ? Nous sommes donc des marins pour rire, et quelle opinion doivent avoir de nous ces forbans ?

Ainsi, capitaines, réunion demain. Pas de rhumatisme, pas de goutte, pas de querelle. Que la Castagnore, quand luira l’aube, reçoive le baptême d’eau salée, et, au soleil levé, tout le monde sur le pont ! j’ai dit.

— Vive Lancelevée !