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LA GUEUSE PARFUMÉE.


les tomates comme fabricant de jus de tomates, ni les étrangers comme propriétaire de villas…

Saint-Aygous, pour fortune, possédait, au quartier de la Badine, un tout petit clos précédé d’un tout petit pavillon.

Dans le pavillon s’arrêtaient, du matin au soir, les passants encouragés par une enseigne accueillante ; dans le clos, 110 orangers épanouissaient leurs fleurs au soleil et mûrissaient leurs fruits à la brise marine. Chaque jour, une vieille femme, armée d’une courge creuse taillée en longue cuiller, versait au pied de chaque oranger, avec une religion toute chinoise, l’humble mais féconde offrande laissée dans le pavillon par les passants de la veille ! Et voyez les mystères du circulus :

Le parfum des fleurs ne semblait que plus doux, la saveur des fruits plus exquise. Les cent dix orangers, à dix francs par pied et par an, rendaient, tant en fruits qu’en fleurs, onze cents francs, la vieille femme une fois payée ; et tandis que dans le Nord, avec des lieues de forêt, un homme peut se trouver pauvre, Saint-Aygous, avec ses cent dix orangers et son pavillon, portait des souliers de toile en tout temps, des pantalons blancs et des vestes courtes, et se promenait de la ville au Bigorneau, un parasol sous le bras et coiffé d’un chapeau manille baissé sur les yeux et relevé sur la nuque, ce qui, dans Antibes et tout le long du littoral, est l’apanage de la richesse.