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LA GUEUSE PARFUMÉE.


soif, puisqu’ils vivent dans l’eau salée ? Mais, vers midi, la houle survint et la fête se gâta. Saint-Honorat était en vue ; il fallut y débarquer Brin-de-Bouleau, qui pleura et fit une scène, nous rendant tous les trois responsables de son mal de mer, appelant notre promenade une amère plaisanterie, et déclarant qu’elle entendait ne retourner à Nice que par terre. Après avoir vainement essayé de faire comprendre à Brin-de-Bouleau ce que c’est qu’une île, nous nous résignâmes. Et maintenant nous voilà réduits à coloniser ce rocher désert, jusqu’à ce que Brin-de-Bouleau ait oublié son mal de mer ou qu’un isthme pousse à notre île comme une queue à une grenouille.

— C’est amusant, Saint-Honorat, dit le musicien.

— Oui ! pour dormir toute la journée dans les myrtes sous prétexte de contre-point.

— Très-amusant ! affirma le romancier.

— Sans doute, pour intoxiquer de romans malsains une brave fille, et lui faire croire que nous écumons la mer en pirates toutes les fois que le bateau va chercher une livre de sucre aux épiceries de Cannes ou du golfe Juan ! Bref cela vous amuse, moi cela m’ennuie. Antibes est charmant…

— Mademoiselle Cyprienne adorable !

— La belle malice ! De plus, au dire des capitaines, la mer est plus souvent bleue au Bigorneau qu’ail-