Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée
20
LA GUEUSE PARFUMÉE.

latines ; petit pont sonore sous lequel j’ai tant rêvé, retentissant tout le jour des bruits de la grand’route qu’il porte, de la musique des grelots, du battement régulier des lourdes charrettes et de la voix rauque des paysans ; maigres ruisseaux roulant des blocs l’hiver, presque à sec l’été, mais dont le léger bruit en tombant dans les rochers altérés sonnait harmonieux à notre oreille ainsi qu’un son de flûte antique ; lointains souvenirs, paysages demi-effacés, je n’ai pour les faire revivre qu’à ouvrir deux livres bien jaunis et bien usés, les Géorgiques ou les Odes. Il y a là des fragments d’idylle, où vous ne verriez rien et qui sont pour moi un coin de vallon ; des strophes entre les vers desquelles j’aperçois encore, comme entre les branches d’un buisson, le nid de merles que je découvris une après-midi en levant mes yeux de sur mon Horace ; des odes qui veulent dire un sommeil à l’ombre et dont moi seul je sais le sens. Est-ce dans Virgile, est-ce dans Horace tout cela ? Certes je l’ignore ! Libre à vous de jeter au feu ces vieux livres, si vous ne trouvez pas entre leurs feuillets les fleurs desséchées de votre enfance, et si derrière les saules virgiliens, au lieu des blanches épaules de quelque Galathée rustique, vous apparaît pour tout souvenir la tête furieuse de votre premier maître d’études.

A cette époque, je faisais des vers, mais des vers latins comme Jean Second, le cardinal Bembo et le divin Sannazar ; j’ai même retrouvé, il n’y a pas six