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LE CANOT DES SIX CAPITAINES.


encore admirer le petit port aussi pareil au port d’Antibes que la Troie en raccourci d’Andromaque — parva Pergama ! — l’était à l’ancienne Troie, le petit port, cause innocente du naufrage, et dont l’avant historié du Singe-Rouge bloquait toujours le minuscule musoir ; ils durent admirer enfin, à sec sur le quai, près d’une ancre énorme, le canot des six capitaines, la triomphante Castagnore pour qui le port avait été creusé et le Bigorneau bâti ; tout cela, Bigorneau, port et Castagnore, création et propriété du Cercle nautique, fondé deux ans auparavant par Lancelevée et ses cinq amis, pour développer dans la région antiboise le goût des choses de la mer.

Certes, depuis deux ans, l’entre-pont continental du Bigorneau avait été le théâtre de mainte joyeuse bouillabaisse où l’on buvait, entre capitaines, à la prochaine mise à l’eau de la Castagnore ; mais, hélas ! depuis deux ans, le port restait vierge et la Castagnore ne partait pas !

Quand venait l’heure de la mise à l’eau, toujours quelqu’un des capitaines se trouvait empêché : Saint-Aygous soignait ses oranges, Escragnol, ayant trop soupé, criait la goutte ; Varangod se déclarait faible sans oser avouer pourquoi ; Barbe ressentait quelques vagues atteintes rhumatismales, ou bien une forte colère avait subitement rouvert les blessures d’Arluc.

D’un autre côté, le règlement était formel : la Castagnore ne devait prendre la mer qu’avec son