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LA GUEUSE PARFUMÉE.

— Il paraît qu’on y a été pris tout de même, vous vous croyiez à un vrai bord… De la part de marins comme vous, l’erreur est flatteuse pour le Bigorneau.

A l’extérieur, le Bigorneau, comme l’appelaient nos six capitaines, était quelque chose d’inusité, d’ambigu, tenant le milieu entre la maison et le navire.

Cette maison, vernie et goudronnée, possédait des sabords au lieu de fenêtres, un pont au lieu de toit, des plats-bords au lieu de gouttières, et, en place de la cheminée, un mât de goélette avec sa vergue, ses haubans, sa drisse et sa flamme.

Ce navire, bâti dans l’échancrure d’une îlette (c’est ainsi que là-bas se nomment les presqu’îles), et ouvert sur la mer par sa terrasse, avait des trois autres côtés son pont et son toit au niveau du sol, ce qui, permettant aux lames de le recouvrir dans les gros temps, procurait à ses heureux possesseurs l’agrément sans danger des plus violentes émotions maritimes.

Du reste, une triple haie courroucée, ou plutôt une triple vague, un triple remous, un triple tourbillon de figuiers de Barbarie, de cactus et d’aloës l’entourait, de sorte que, même par le calme, cette bizarre construction avait l’air d’un navire en train de sombrer dans une tempête de plantes intertropicales.

Les naufragés admirèrent le Bigorneau. Ils durent