Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
LA GUEUSE PARFUMÉE.

pire arrosée de vin de la Gaude, cet amer nectar antibois.

Les trois naufragés mangeaient bien et buvaient sec, aussi quels récits, quelles aventures ! Tourmentes et typhons, le Maelstrom et les glaces, poulpes gigantesques et vastes serpents de mer, naufrages et sauvages, tout y passa.

C’étaient pourtant, comme on le verra par la suite de l’histoire, trois simples canotiers de Seine-et-Marne égarés en mer, et, certes ! bien reconnaissables à leur chapeau de paille orné d’une corne fantasque que surmontait un petit drapeau. Mais eux-mêmes se faisaient illusion en mentant, et les six capitaines ne demandaient pas mieux que de les croire.

— « Sur les côtes de Dahomey, où nous échouâmes, disait le musicien, il fit si chaud cette année-là, qu’on voyait les homards se promener rouges à point sous l’eau transparente des criques. »

— « Et le Spitzberg, le froid polaire ! reprenait en duo le romancier. Un jour de Noël, bloqués par les glaces et les ours dans notre cabane d’hivernage, nous voulûmes, en souvenir du pays, déboucher une bouteille de Champagne, notre dernière ! C’était, remarquez-le, à côté d’un poêle chauffé à blanc. On décoiffe la bouteille, on coupe la ficelle, le bouchon saute, la mousse jaillit. Eh bien, vous me croirez si vous voulez, capitaines ! mais à peine sortie, instantanément, la mousse se change en un flocon de neige,