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LA MORT DE PAN.


lière entre ce qui fut et ce qui est, m’apparaît précisément la vivante image du dieu : velu comme lui et rappelant par son poil dru les végétations qui couvrent la terre, rouge et luisant de visage pour signifier l’éclat du jour. Il n’a, il est vrai, ni jambe de bouc ni sayon de peau tigrée d’étoiles ; mais, au fait, je n’ai jamais bien examiné les pieds du gaillard sous sa soutane ; et les mille trous, les taches sans nombre dont elle est parsemée peuvent, aussi bien que les bigarrures d’une peau de bique, symboliser les constellations qui peuplent le ciel.

Tout le monde rit à cette conclusion imprévue, le curé comme les autres, et l’ermite lui-même. Mais un petit abbé qui se trouvait là, tournant vers moi, sans lever les yeux, sa pâle figure ultramontaine :

— Monsieur, dit-il, je vous félicite. Tout ceci est fort doctement et fort ingénieusement conjecturé. Dom Carbasse, l’honneur de son ordre, et qui mérita, au siècle dernier, d’être surnommé le destructeur des faux saints, vous envierait cette magistrale procédure canonique.

— Pure plaisanterie… monsieur !…

— Non pas, non pas ; il en reste encore, il en reste trop, après dix-huit siècles, de ces superstitions mal extirpées, qui sont pour l’Église un scandale et pour certaines gens matière à honteux profits.

Là-dessus le bilieux petit abbé se levant, jeta au pauvre ermite qui desservait la table un long regard,