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LA GUEUSE PARFUMÉE.


pointe presque aussi rouge que sa face, cet ermite, disaient les vieilles, vous avait un air de païen.

Pour costume, une défroque d’abbé ; mais la défroque, depuis longtemps, avait perdu son apparence première. Tombant droit et veuve de ceinture, déchirée à tous les buissons, effrangée aux pointes des cailloux, tordue par le vent et fripée par la pluie, la soutane flottait en plis superbes qu’eussent enviés toge ou péplum. Quant au chapeau, privé comme il était de ces coquettes petites brides qui relèvent catholiquement les bords des coiffures ecclésiastiques, amolli d’ailleurs et repétri dans la vieillesse et la tempête, il eût fort bien, avec ses bords tombants où la coiffe se confondait, figuré sur la tête d’un chevrier sicilien ou d’un pâtre d’Ionie.

L’ermite, d’ordinaire, vivait tout seul sur son roc, avec une chèvre à demi sauvage. Mais comme — suivant la tradition immémoriale de ses prédécesseurs à San-Pansi — il joignait aux fonctions sacrées le rare métier de hongreur, deux fois par an on le voyait, au printemps et en automne, descendre dans la vallée soufflant de ses lèvres ironiques dans les quatorze trous de sa flûte en laiton.

Velu comme un bouc, puant et cynique, si vous l’aviez vu en train de boire, un jour de fête, de quelle humeur il recevait les processions qui, l’une après l’autre, tout le matin, montaient du fin fond des vallées !

— « Bon ! ceux de Noyers… ceux de Ribiers »,