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JEAN-DES-FIGUES.


tours républicaines, ils ne nous défendent plus maintenant que de la tramontane et du vent marin ; mais derrière eux, pendant mille ans, nos aïeux se maintinrent fiers et libres. Et dire qu’un avocat libéral voulut un jour les faire détruire ; il les appelait dans son discours, — le misérable ! — des monuments de l’odieuse féodalité.

Mais mon plus grand bonheur était encore l’hiver, au moulin d’huile, quand Blanquet, les yeux bandés, tournait la meule où s’écrasaient les olives, quand l’eau bouillait en grondant, et qu’on voyait à chaque coup de presse un long filet d’or s’écouler dans les bassins. Au milieu de l’acre fumée, sous cette voûte, claire tout à coup puis subitement replongée dans l’ombre, à mesure que la lampe accrochée à la meule tournait, mon père allait et venait, luisant et ruisselant, entre les groupes oisifs ; et ma mère, debout devant de grandes jarres de terre, écumait l’huile qui montait, jusqu’à ce que, tout recueilli, on lâchât l’eau jaune dans les enfers.

Moi, je restais dans mon coin assis sur les débris des olives pressées, rêvant d’une foule de choses inconnues, écoutant les paysans parler, leurs bons contes et leurs histoires, comprenant tout à demi et laissant à propos d’un rien ma pensée partir en voyage.

J’étais, comme on dit, un imaginaire ; j’avais les goûts les plus singuliers, collectionnant, j’ignore dans