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LE TOR D’ENTRAYS.

On retint le père Antiq à déjeuner. Il résista, alléguant son costume, montrant ses guêtres, mais cela sans conviction, pour la forme : — Enfin ! puisque vous le voulez. Heureusement que j’ai passé une chemise blanche ce matin !

Or il l’avait mise exprès, le brave homme !

Pendant le déjeuner, qui fut long, les jeunes gens parlèrent peu. Ils se boudaient, donc ils s’aimaient encore ; et chacun reprochait à l’autre, intérieurement, de s’être, après tout, bien vite résigné. Mais le père Antiq et M. Blasy se montrèrent très-gais, trinquèrent beaucoup et se firent force signes par-dessus les plats. Vous eussiez dit, sauf leur âge, deux écoliers attendant l’effet d’une bonne farce ; et je ne jurerais pas qu’au dessert, l’un et l’autre ne fussent pas gris légèrement.

— Voyez, mais voyez donc, monsieur Blasy, on dirait qu’il se passe quelque chose !

En effet, depuis un moment il se passait quelque chose au Plus-bas-Tor. Les paysans, dans leurs parcelles, s’arrêtaient de travailler et regardaient, un pied sur leur bêche, quelqu’un vêtu de noir qui montait le chemin d’Entrays.

Ils s’appelaient, causaient par groupes.

— C’est peut-être la révolution, dit en riant le père Antiq.

— Non ! c’est l’huissier, répondit tranquillement M. Blasy.