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LE TOR D’ENTRAYS.


lui fallait bien s’apercevoir qu’à mesure que le mariage approchait, Jeanne devenait plus triste. Parfois il interrogeait Jeanne. Jeanne souriait, se disait heureuse, mais au fond ne répondait pas.

Un jour, les deux vieux, le père Antiq et M. Blasy, se rencontrèrent. Peut-être se cherchaient-ils. car, le matin même, Estève, revenu de Meouge, avait été surpris par le père Antiq, faisant ses malles, roulant ses tableaux, prêt à partir pour un long voyage ; et le même matin, M. Blasy, réveillé avant l’heure, avait vu dans le jardin, de sa fenêtre, mademoiselle Jeanne qui pleurait. C’est à la Garenade que la rencontre eut lieu.

Un vrai paradis de chasseur, la Garenade, avec ses grands bouquets de bois, ses pelouses semées de lavandes, et ses mille petites cavernes entre les blocs de poudingue éboulé. De tout ce qu’on avait vendu d’Entrays, la Garenade, à cause de ses rochers, était le seul coin qui ne fut pas défriché encore. M. Blasy l’aimait depuis que le mariage de Jeanne avec Anténor était conclu. Il venait y chasser quelquefois, et songeait à le racheter. Assis, le dos contre un arbre, le fusil entre les mollets, ses pieds guêtres dans l’herbe pierreuse, et regardant en face le soleil couchant, M. Blasy, ce soir-là, réfléchissait.

— Pourquoi Jeanne est-elle triste ? Pourquoi pleure-t-elle ainsi toute seule ? Si elle ne veut pas d’Anténor, qui donc l’empêche de le dire ? Elle se