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LE TOR D’ENTRAYS.


son ami Ambroise, vêtu de neuf, mais toujours gris ; tandis que madame Ambroise, enfin acceptée, remplissait Canteperdrix de son bruit et persécutait les couturières ; tandis que mademoiselle Jeanne dissimulait ses tristesses, et que le bel Anténor, faisant sa cour en règle, lui offrait régulièrement chaque soir d’énormes bouquets, régulièrement flétris chaque matin ; pendant ce temps, on aurait pu voir notre héros s’asseoir, la journée finie, dans quelque auberge villageoise, aux bancs de bois, aux tables luisantes, ou dans quelque moulin des montagnes, ébranlé par la rude secousse de la chute d’eau, et là, philosophiquement, arroser d’un verre devin du pays une cuisse de chevreau rôtie, une truite pêchée à la main, ou bien un de ces fromages si fins, gardés tout l’hiver dans la neige, et qu’enveloppe une triple couche de lavande en épis et de feuilles de noyer.

Estève songeait parfois à Entrays, à M. Blasy, si bête et si bon, à mademoiselle Jeanne si charmante ! mais c’était sans ennui, avec la sensation de vague et agréable tristesse qui vous reste d’un doux rêve évanoui.