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LA GUEUSE PARFUMÉE


sormais, il poussait Anténor dans la carrière des honneurs : maire, conseiller général, que sais-je encore ? Lui-même devenait une puissance et, par avance, il se figurait le jour, jour de délicieuse vengeance ecclésiastique ! où son évêque, qui depuis dix ans tenait rigueur, serait obligé de compter avec l’abbé Mistre.

A mesure que l’abbé Mistre parlait, il semblait à M. Blasy qu’on lui enlevât un grand poids de sur la poitrine. Plus d’affiches blanches, plus de ventes, plus de regards railleurs, plus d’hypocrites condoléances. Toutes ses craintes se dissipaient. Il voyait le mariage se faire, Entrays restauré, Jeanne heureuse… Jeanne ! Dire que par sa faute à lui, un instant Jeanne s’était trouvée ruinée, réduite au triste état des filles pauvres de province.

— Monsieur l’abbé, monsieur l’abbé, que du moins Jeanne ne se doute de rien !

Et, se versant du cognac coup sur coup, il pleurait et s’injuriait : — Ah ! grand enfant ! Ah ! vieil imbécile !

Puis une idée lui vint : idée affreuse, qui le fit pâlir.

— Mais si ma fille… si Jeanne… ne voulait pas ?…

— Mademoiselle Jeanne voudra !

— C’est que, voyez-vous, je connais Jeanne, fit le bonhomme subitement dégrisé et redevenu digne. Sachant nos affaires elle se sacrifierait, se marierait