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LE TOR D’ENTRAYS.


déclarer que la terre doit être à qui la travaille.

Sur la grand’place, l’été, à l’ombre des ormes ; au soleil, l’hiver, le long des remparts ; et, quand il pleut, dans le vestibule de la maison commune, les gens de Canteperdrix ont coutume de s’assembler, passé midi, tous les dimanches. Ils causent du temps, des récoltes. C’est là que s’adressent les propriétaires qui ont des travailleurs ruraux à louer. Grève inconsciente, mais d’autant plus terrible, et continuée depuis des siècles.

Sur un terroir en pente, rebelle à la charrue, où les bras font tout, le triomphe tôt ou tard devait rester aux bras. Il n’y a plus que les vieux et les très-vieux qui se souviennent du temps où le paysan se louait quinze sous par jour. C’était le paradis des propriétaires. On les saluait de loin et très-bas. Chaque matin, l’homme de confiance, le canier, debout devant la grande table, remplissant les fiasques de piquette aigrie, et, plongeant une fois pour chacun la cuiller de bois dans le pot plein de fromage fermenté : — Toi, Peyre, va-t’en à Toutes-Aures ensemencer les luzernes ; toi, Jaume, à Pérésous, aux Aygatières…

Quinze sous par jour ! Aussi, mes amis, quelle vie ! Le soir, au retour des champs, quand toutes les cheminées fument, ce n’était pas une fumée bien grasse qui montait sur les bas quartiers de Canteperdrix. Par bonheur, les paysans, de père en fils, avaient