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LA GUEUSE PARFUMÉE.


Parfois le grand-père de M. Blasy, parfois son père y avaient songé ; mais, les premiers arbres coupés, les premiers tombereaux de cailloux enlevés, ils s’étaient bien vite arrêtés devant la dépense. Les paysans de Canteperdrix soupiraient, voyant tant de bonne terre perdue.

— Ah ! si c’était nôtre ! disaient-ils.

Mais quelle joie quand les maîtres d’Entrays, un peu gênés, se décidaient à vendre un coin de leur bien, quand les petites affiches blanches : Étude de maitre Beinet, Vente par licitation, annonçaient la grande nouvelle. Alors, partout dans Canteperdrix, de la Coste à Bourg-Reynaud, au Riou, rue Chapusie, à la Pousterle, chacun par avance choisissait une parcelle selon son cœur, et ces soirs-là, dans les vieux quartiers, vous auriez pu voir bien des calens briller à travers les étroits carreaux passé l’heure ; vous auriez pu entendre, quand tout le monde était censé endormi, les tiroirs s’ouvrir discrètement et les écus sonner sur la planche en noyer des familiales tables-fermées.

Ces mises en parcelles de gros domaines deviennent plus communes chaque jour. Les anciens tenanciers, avocats, médecins, notaires, après s’être longtemps entêtés à garder des terres qui les ruinent, ont fini par se fatiguer ; et le moment n’est pas loin où tout Canteperdrix appartiendra aux paysans. Nos paysans savent cela et ne se gênent guère pour