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LA GUEUSE PARFUMÉE.

nous parlons, situé à cent mètres au-dessus des limons de Buëch et des graviers blancs de la Durance. On appelle tor un plateau moindre accoté au plan comme un palier d’escalier le serait à une terrasse, et quand il y a, sur le flanc de la vallée, plusieurs de ces gigantesques paliers, ils se distinguent par la dénomination de Tor-le-plus-haut, Tor-du-milieu, et Tor-le-plus-bas.

Entrays, au-dessous de son plan, n’a que deux tors.

Sans être de grands savants, nos paysans de Canteperdrix ont peut-être trouvé l’explication géologique de ce plan d’Entrays et des deux tors qu’il domine.

Est-ce pure ingéniosité ou souvenir de quelque tradition lointaine ? Mais tous les paysans de Canteperdrix vous raconteront qu’autrefois un lac immense, barré par le roc de la Baume et celui de Champ-Brancon alors soudés, et dans lequel se perdaient les deux rivières, couvrait tout le pays, par-dessus Entrays, au nord de la ville. Puis un jour, sous le poids, le barrage avait cédé. Une brèche s’était ouverte, el les eaux se précipitant, l’immense déversoir s’abaissant, le niveau du lac s’était abaissé aussi, laissant à découvert une première plaine. Des siècles plus tard, nouvelle brèche : une seconde plaine apparaissait, le Tor-le-plus-haut, cette fois ; puis le Tor-le-plus-bas , jusqu’à ce que, dans une dernière convulsion, la vallée tout entière eût pris sa forme actuelle.