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LE TOR DENTRAYS.


paysan ? Mais elle a refusé des percepteurs, des notaires ! Puis, regarde un peu ta tournure : cette veste de velours, ces guêtres ! Et le père Antiq, pour la première fois de sa vie remarquait, non sans amertume, le débraillé pittoresque de son cher neveu.

C’est qu’en effet le mariage d’Estève, se faisant, changeait bien des choses. L’abbé Mistre alors rompait avec M. Blasy, le traquait pour ses hypothèques, et le château d’Entrays se vendait.

Or voici l’histoire qu’Estève raconta. Elle est simple. Roulant la campagne avec son attirail de peintre, souvent il avait rencontré M. Blasy, marcheur intrépide et grand chasseur. On se lia. Estève fut présenté au château et vit mademoiselle Jeanne. Estève et Jeanne, naturellement, s’aimèrent. Et comme Estève, depuis trois mois, hésitait toujours à faire sa demande ; comme mademoiselle Jeanne, sous un air d’apparente douceur, cachait une réelle énergie, il avait été décidé entre les deux amoureux que, pour en finir, mademoiselle Jeanne, le soir même, devait, au nom du trop timide Estève, demander sa propre main à son propre père.

— Quelle brave fille, cette mademoiselle Jeanne ! disait le vieil Antiq ; vive comme l’eau, et franche, et point fière ! Le père fera ce qu’elle voudra. Brave homme aussi, ce M. Blasy ! Un peu imaginaire, par exemple, avec ses sarcleuses, ses faucheuses, et ne s’entendant guère à la conduite des biens ; mais brave