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LE TOR DENTRAYS.


prenti ; et le vieil Antiq, qui pour rien au monde n’aurait consenti à faire du fils de sa sœur un curé, un droits-réunis ou un poëte, le vieil Antiq, épris avant tout de travail et de réalité, l’avait vu sans trop de déplaisir entreprendre un métier, quasi manuel à son idée.

Car, tout en ayant pour les œuvres d’Estève un respect instinctif et comme une admiration vague, le rude vieillard ne distinguait guère ce qui pouvait séparer son art de l’art ingénieux du peintre-vitrier. Et tandis que le neveu, dans la bonne ville du roi René, partageait son temps entre ses travaux de jour à l’école de dessin et les traditionnelles battues au chat menées la nuit, avec cors et flambeaux, en compagnie d’étudiants, à travers les rues herbeuses ; l’oncle, tout en passant son champ, tout en binant sa vigne, voyait dans un rêve, sur la grande place, une belle boutique, peinturlurée de losanges aux vives couleurs, et debout en haut d’une double échelle, Estève qui peindrait, au milieu de la stupéfaction générale, des attributs et des enseignes comme Canteperdrix n’en aurait jamais vu.

Estève avait laissé son oncle croire ce qu’il voulait, et continuait tranquillement ses peintures, à Marseille l’hiver, et, dans la belle saison, à Canteperdrix, où il s’était installé un atelier dans le grenier même de l’oncle. Les tableaux d’Estève, nets, heurtés ; ses aquarelles claires ; paysages méditerrannées blancs